
Toute entreprise peut être confronter à de multiples tensions qui agissent sur elle et par conséquence sur ses collaborateurs. Ces tensions sont d’ordre stratégique, économique, financier, historique, culturel, organisationnel ou managérial .Elles sont liées à la concurrence et aux valeurs de l’entreprise. Impossibles de les supprimer puisqu’elles constituent l’existence même de l’entreprise ,dans la mesure où ces tensions peuvent, ou non, générer des dommages collatéraux sur les collaborateurs.
Repérage des risques humains
Le repérage des risques humains s’effectue par une approche des tensions vécues par l’entreprise et susceptibles d’être transmises aux collaborateurs. Techniquement, le modèle comprend deux phases : une phase analytique du contexte stratégique de l’entreprise, et une étape sur le terrain d’entretiens auprès des collaborateurs représentant l’entreprise.
Ce repérage devra déboucher sur une réflexion au plus haut niveau de l’entreprise sur les risques humains, de manière intégrée et dynamique avec les enjeux de l’entreprise. Ces perspectives donneront aux directions l’envie de s’y engager, si elles en voient le réel intérêt. En effet, la majorité d’entre elles s’intéresse au sujet essentiellement en fonction de ses risques potentiels.
Comment analyser les risques humains dans une entreprise ?
Une méthodologie opérationnelle utiliser déjà depuis de nombreuses années est souvent prise en considération par les directions générales et les directions des ressources humaines .Afin de cerner leurs principaux risques humains et de réfléchir à des pistes opérationnelles d’action. Cette méthodologie est surtout utilisée, dans des situations où l’entreprise allait être inquiétée soit juridiquement ou financièrement .Plus elles vont s’ouvrir à l’existence de ce risque et se rendre compte que le gérer ne signifie pas remettre en cause fondamentalement leur business model, plus les entreprises se lanceront de manière préventive dans ces opérations d’évaluation.
L’analyse stratégique pourra être menée grâce à la rencontre avec le dirigeant, certains membres du comité de direction, des représentants du personnel, le fondateur de l’entreprise, quelques collaborateurs présents depuis longtemps, ainsi que des personnes et des institutions externes : agence de notation et analystes financiers.
Analyse stratégique

Il est tout d’abord essentiel de faire une analyse approfondie des éléments suivants :
Analyse du capital de l’entreprise
- Par qui est-il détenu ?
- Un fonds de pension ?
- Un venture capital ?
- Un actionnaire majoritaire « personne physique » ?
- Le capital est-il détenu familialement ?
- Quelles sont les intentions des actionnaires à court terme ou à long terme ?
- Quelles sont leurs options ?
- Quelle est la répartition du pouvoir ?
- Quels sont les pactes d’actionnaires ?
Analyse concurrentielle
- Quelle est la menace d’entrée de nouveaux concurrents ?
- Quelle est la position de force des clients et des fournisseurs ?
- Y a-t-il une menace d’arrivée de produits de substitution ? Les pressions exercées par les fournisseurs et les clients trouvent leur origine dans le pouvoir relatif que peut détenir un maillon d’une filière. Différents indicateurs permettent d’évaluer le rôle et l’influence que peuvent avoir les fournisseurs et les clients dans l’intensité de la lutte concurrentielle interne au secteur analysé, en discriminant les conditions d’accès aux matières premières, aux technologies et au marché final.
Les menaces externes : ont une double origine ,l’entrée dans le domaine d’un nouveau concurrent et l’irruption de produits ou de services de substitution. Leur effet immédiat est soit de diminuer la demande disponible qui s’adresse aux firmes en place, et donc de renforcer l’intensité de la concurrence.
La menace de nouveaux entrants : vient d’entreprises qui pourraient, par création ou par diversification, se présenter dans le secteur avec une offre compétitive.
La menace de substitution : trouve sa source principale dans les évolutions technologiques. Cela consiste à remplacer un produit ou un service existant par un autre qui remplit la même fonction d’usage, voire une fonction plus large.
Les obstacles à la mobilité des entreprises : les barrières à l’entrée limitent les possibilités d’accès au secteur et donc la menace de nouveaux entrants. Se concrétisant toujours par des coûts et des délais, elles peuvent s’analyser à partir des éléments suivants :
– Les économies d’échelle, qui impliquent une taille minimale pour atteindre des coûts compétitifs.
– Certains avantages de coûts, indépendants de la taille, mais qui constituent un obstacle déterminant.
– Les coûts de transfert, qui peuvent constituer un obstacle pour le nouvel entrant en rigidifiant la relation client/fournisseur.
– L’accès aux circuits de distribution, qui constitue un frein particulier qui s’apparente aux coûts de transfert.
– La capacité de riposte, d’autant plus importante que de faibles barrières à l’entrée du secteur laissent présager une relative perméabilité de la frontière.
L’avantage compétitif et la position concurrentielle
La réussite d’une entreprise s’explique principalement par la position qu’elle est parvenue à occuper dans son industrie. Si ses résultats financiers sont performants, c’est parce qu’ils surpassent ceux de ses concurrents, c’est parce que l’entreprise dispose de ressources, de compétences, qu’elle a su cultiver et affecter à des domaines d’activité bien choisis.
Maintenir sur le long terme un niveau de performance élevé.Construire un développement harmonieux de l’entreprise ne peut se réaliser que si l’on dispose d’atouts qui seront valorisés par le marché. C’est ce qu’on appelle un avantage concurrentiel .Chaque système concurrentiel se caractérise par des sources d’avantages concurrentiels spécifiques. Il ne suffit pas d’avoir identifié les sources d’avantages concurrentiels pour être assuré du succès.
Il faut investir pour se procurer les ressources appropriées, organiser les opérations de la firme pour bénéficier d’un réel avantage sur les concurrents, en matière de stratégie .Analyser et concevoir l’architecture des opérations s’appuie sur la chaîne de valeur de l’entreprise.
Chaque maillon de la chaîne correspond à une fonction qui nécessite la mise en œuvre d’un ensemble de compétences. On les classe en trois groupes : 1- Les compétences économiques : (technologie, conception, fabrication,capacité de production, coûts de production, qualité de fabrication…). 2- Les compétences de gestion : acquises dans certaines fonctions telles que la finance (politique d’endettement, gestion de la trésorerie…), la maîtrise des besoins en fonds de roulement. 3- Les compétences psychologiques: (assimilation par l’entreprise des règles comportementales de l’univers dans lequel elle évolue).
La compétitivité optimale peut être recherchée en analysant, pour chaque fonction élémentaire de la chaîne, les sources d’avantages concurrentiels accessibles à l’entreprise. Il est à noter qu’une position ne sera parfaitement solide que si l’avantage sur lequel elle repose est durable et défendable.
Stratégie de coût et de différenciation poursuivie par l’entreprise
Les stratégies concurrentielles ont pour objectif, en situation de libre concurrence, d’assurer à l’entreprise un avantage compétitif durable sur l’ensemble de ses concurrents, dans un domaine d’activité particulier. Ces stratégies jouent un rôle décisif dans la détermination du niveau global de performance de l’entreprise.
En effet, c’est de sa capacité à lutter efficacement contre ses concurrents, dans chacun des métiers où elle a choisi de se développer, que dépend en très large partie, la compétitivité d’ensemble de l’entreprise.
Les stratégies de coût sont des stratégies qui orientent de manière prioritaire tous les efforts de l’entreprise vers un objectif considéré comme primordial : la minimisation de ses coûts complets. Ceux ci incluent en outre le coût direct de fabrication, les coûts de conception, de marketing, de distribution, ainsi que les coûts administratifs et financiers.
Les stratégies de différenciation : cherchent à fonder l’avantage concurrentiel sur la spécificité de l’offre produite. Cette spécificité est reconnue et valorisée par le marché ou par une partie suffisante du marché. Cela lui permet d’échapper à une concurrence directe par les prix, et donc les coûts, en rendant son offre difficilement comparable à celle de ses rivaux.
Analyse du portefeuille stratégique
- L’entreprise met-elle en œuvre une stratégie de spécialisation, de diversification ?
- Agit-elle dans un cadre qui dépasse le cadre national pour assurer le développement de ses activités ?
- Agit-elle pour se développer, par acquisition, alliances stratégiques ou stratégies relationnelles ?
Analyse des comportements
Cette analyse passe par la compréhension fine des croyances, valeurs et normes de comportement.
• Les normes concernant le travail avec d’autres groupes : il s’agit de refaire systématiquement ce que d’autres groupes ont fait ou, au contraire, de s’appuyer sur le travail des autres.
• Les normes concernant l’innovation : il s’agit de toujours essayer d’améliorer les produits.
• Les normes concernant les relations humaines à l’intérieur du groupe : il s’agit d’essayer de connaître les autres en dehors du travail ou, au contraire, de ne se soucier de personne.
• Les normes concernant la liberté de chacun. Puis, nous interrogeons les mythes, légendes, et idéologies de l’entreprise. Les mythes font référence à l’histoire de l’entreprise, à ses succès, à ses époques héroïques. Ils ont pour objet de créer ou de conforter une image idéale de l’organisation et produisent un système de valeurs.
Les rites permettent l’expression réitérée des mythes. Ils permettent de manifester un consensus tout en sécurisant. Les tabous renvoient directement à la peur de l’organisation : ainsi, par exemple, la diversification, les rôles femmes/hommes, le pouvoir, l’échec sont autant de manifestations d’une peur collective.
Analyse du profil du dirigeant

- Qui a le pouvoir dans l’entreprise ?
- Quel est son pouvoir réel ?
- Ses marges de manœuvre ?
- Est-il dirigeant d’une filiale de l’entreprise, ayant lui aussi des comptes à rendre en termes de risques humains ?
- Quels sont ses enjeux ?
- Quel est son parcours ?
- Où sont ses appuis ?
- Quel est son degré de conscience des phénomènes de détection et de prévention des risques humains ?
- Qu’espère-t-il en termes de retours sur investissement ?
- Est-il dans un processus proactif ou défensif ?
- Qu’est-il prêt à entendre et à mettre en œuvre ?
Ces questions ne sont que des indicatifs, bien sûr, et doivent être adaptées, sur mesure, au contexte de chaque entreprise évaluée.
Cette étape doit donner une bonne indication des tensions à l’œuvre dans l’entreprise et très possiblement répercutées sur les collaborateurs. Les entretiens auprès des collaborateurs viennent confirmer et affiner la phase analytique.
Qui doit faire la démarche ?
Ces évaluations doivent être faites par des personnes connaissant l’entreprise de l’intérieur, ayant réellement travaillé en entreprise, en occupant des postes opérationnels, mais aussi solidement formées aux sciences humaines, par exemple à la psychologie.
En effet, il s’agit de voir ce que l’entreprise ne donne pas à voir d’emblée, d’entendre ce qu’elle ne veut pas formuler. Un important facteur clé de succès dans la démarche réside dans le fait qu’elle est portée par le dirigeant, en collaboration avec son directeur des ressources humaines. Le dirigeant est en effet la personne la plus apte à faire la démarche au sein de l’entreprise, car, non seulement il supportera les risques juridiques, d’image et les risques business liés à ces sujets, mais il est aussi le plus apte à permettre d’aller jusqu’au bout de la démarche.
Le directeur des ressources humaines doit aussi être associé étroitement à cette opération car il permet à l’analyse stratégique des risques humains d’être réalisée d’un point de vue opérationnel.

Enfin, les managers sont eux aussi des personnes ressources. Ils connaissent mieux que quiconque les zones de fragilité, de fracture. Ils sont capables de décrypter le nombre d’évolutions à venir. De plus, étant eux-mêmes exposés à des tensions descendantes et ascendantes. Leur situation doit faire l’objet d’une analyse tout à fait spécifique.
Avantages de l’analyse des risques humains
L’analyse des risques humains permet donc à un dirigeant, un comité de direction, mais aussi à toute personne chargée de mettre en œuvre la stratégie de l’entreprise de s’assurer que les coûts humains des changements incessants et des tensions générées sont inférieurs aux retours sur investissement espérés.
Comme tout investissement financier qui a un coût, un risque et une rentabilité attendue, il est crucial que des directions, s’interrogent très explicitement en amont sur tous les changements qu’ils demandent au collectif soit dans l’espoir d’une rentabilité supérieure, soit dans l’idée qu’il faut se comporter comme les concurrents de leur secteur d’activité :
– Cette décision stratégique demande-t-elle vraiment autant de changements pour les collaborateurs ? – Quel est le vrai retour sur investissement espéré ? – Dans quelques mois, va-t-on être amené à tout mettre à nouveau ? – Comment vraiment justifier ces changements sans y perdre sa crédibilité ? – Quels sont les freins générer chez les collaborateurs ?
Les dirigeants sont aussi amenés à se poser la question de leur propre responsabilité : en demandant continuellement aux autres de changer pour s’adapter, est-ce qu’ils ne manquent pas d’une certaine manière à leur devoir de manager, qui est de filtrer les tensions, pour les métaboliser et assurer une vision stable ?
Il s’agit bien là de s’interroger sur son mode de direction d’entreprise et les contraintes humaines que tout dirigeant, tout manager induit, et ce dans l’optique de coûts, efforts demandés, retours sur investissement.
Conclusion
Tous ces questions de détection et de prévention des tensions humaines, permettent également aux dirigeants d’avoir une cartographie très précise des forces et faiblesses en tension, des ressources existantes et celles que l’on va aussi trouver. Ils sont considérés comme une aide précieuse dans le pilotage, pour une utilisation judicieuse des forces en présence. On pourra alors parler véritablement d’alignement entre la stratégie et les tensions/potentiels humains.
Cette cartographie permet aussi de comprendre les précautions dont il faudra s’entourer pour que les projets d’adaptation, de changements, puissent se faire de la manière la moins coûteuse psychiquement pour les collaborateurs et la plus pérenne pour les entreprises.