STRATÉGIE DE DIFFÉRENCIATION

L’une des hypothèses fondamentales dans le modèle de la concurrence est que les biens échangés sur le marché sont parfaitement commutable, ce qui conduit à nier toute possibilité de différenciation. Ce qui laisse à dire par la suite que les producteurs en concurrence sur le marché sont tous capables de produire dans des conditions identiques


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L’une des hypothèses fondamentales dans le modèle de la concurrence est que les biens échangés sur le marché sont parfaitement commutable, ce qui conduit à nier toute possibilité de différenciation. Ce qui laisse à dire par la suite que les producteurs en concurrence sur le marché sont tous capables de produire dans des conditions identiques. De ce fait, leur seule variable de décision et d’action est le volume de leur production. Les économistes ont néanmoins remarqué que sur de nombreux marchés coexistaient des offres non identiques, mais cependant partiellement concurrentes.

De cette constatation est née la notion de concurrence imparfaite dite également concurrence monopolistique. Dans cette approche, les entreprises peuvent s’appuyer sur la diversité des consommateurs pour différencier leurs offres et se créer ainsi des situations de monopole partiel. En effet, la différenciation des offres rend celles-ci non parfaitement changeables, ce qui remet en cause la concurrence parfaite et crée un monopole de fait pour chaque offre différenciée. Cependant, ces offres différenciées restent partiellement substituables.

Types de différenciation

Différenciation verticale 

Trouve son origine dans le degré de qualité objectivement mesurable du produit. Par exemple, un produit est différencié verticalement lorsque son niveau de qualité ou de fiabilité est incontestablement supérieur à celui de ses concurrents ou en tout cas qu’il est perçu comme incontestablement meilleur.

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Différenciation horizontale 

 Associée à l’offre de plusieurs variétés de produits qui peuvent jouer le rôle de substituts. Elle est plus complexe à saisir que la différenciation verticale puisqu’elle repose sur la correspondance entre la variété de l’offre et celle des goûts des consommateurs.

Les entreprises peuvent proposer ces deux différenciations , d’une part grâce à de meilleurs produits, d’autre part grâce à une variété de produits suffisante. C’est le cas des offres groupées.

Dès lors, dans une perspective plus stratégique, la différenciation horizontale peut être comprise comme une diversité de l’offre, une façon de se distinguer de ses concurrents en élargissant la palette de ses activités afin de satisfaire un plus grand nombre de clients. Là où certains concurrents se spécialiseront sur certaines activités, d’autres s’efforceront de se distinguer de leurs concurrents en élargissant leur offre. Il y aura donc deux façons d’être non substituable : soit en proposant une offre de meilleure qualité avec une proposition de valeur plus élevée, soit en élargissant son offre afin de se démarquer de ses concurrents.

Modes de différenciation

1- La différenciation des produits par la qualité

C’est ici la dispersion des préférences et des revenus des consommateurs qui offre aux producteurs des possibilités de se différencier. En effet, même dans l’hypothèse de revenus faiblement dispersés, les consommateurs peuvent avoir des goûts différents, ce qui permet aux entreprises d’adapter leur offre aux préférences des diverses catégories de consommateurs. A forte raison, dans l’hypothèse de revenus très dispersés, les firmes peuvent se spécialiser dans la production de biens ou services incorporant des attributs supplémentaires et susceptibles d’être vendus aux consommateurs disposant de revenus supérieurs.

2- Différenciation illusoire des produits

Cette différenciation résulte d’une action des entreprises pour modifier les préférences des consommateurs, notamment par une politique de publicité et de promotion. Les dépenses publicitaires, ou toute autre dépense d’action sur les préférences, deviennent ici les variables d’action principales des entreprises. Cette différenciation est donc de nature marketing et n’offre pas un avantage concurrentiel significatif. C’est pourquoi on la qualifie de pseudodifférenciation.

3- Différenciation spatiale des produits

Cette différenciation est fondée sur la constatation que les conditions d’usage d’un produit peuvent changer selon le lieu où ce produit est disponible. Dans ce cas, les producteurs sont différenciés en fonction de leur localisation. Un restaurant, un marchand de journaux, une cimenterie offrent un service de valeur plus importante aux consommateurs se trouvant à proximité qu’à des consommateurs contraints à un long trajet pour bénéficier de ce service.

4- Différenciation par le service

Le service joue un rôle croissant dans la différenciation et présente l’avantage d’être difficile à copier. Il faut en effet raisonner en termes d’offre globale et d’expérience client. Cette démarche implique une compréhension fine des attentes du consommateur. Il faut bien connaître le marché afin de déterminer par quel segment précis l’offre pourra être reconnue comme unique. Il faut aussi préciser quel prix les consommateurs pourront  payer pour la différenciation proposée.

Le service peut constituer un facteur de différenciation dans des activités où les produits sont banalisés. En revanche, il est possible de se démarquer de ses concurrents par la fabrication sur mesure, le conseil technique aux clients, la rapidité de production et de livraison ou même une participation à la démarche marketing des clients.

Lorsque de telles stratégies de différenciation sont couronnées de succès, elles génèrent de forts effets de réputation. Une fois cette notoriété établie, et pourvu que l’entreprise soit capable de maintenir la qualité de service à l’origine de la différenciation, un tel positionnement différencié est peu vulnérable aux attaques de la concurrence, notamment aux tentatives d’imitation.

Dans les services, c’est l’expérience du service vécue par le client qui permet d’apprécier la valeur réelle. Si un concurrent propose un meilleur service, cela n’entraînera pas une remise en cause rapide des positions établies. L’offre concurrente mettra donc beaucoup plus longtemps à s’imposer.

La différenciation par le service est très difficile à imiter par les concurrents puisqu’elle repose sur des éléments intangibles, dont la nature exacte n’est pas facile à identifier et à observer et qui surtout ne peuvent être répliqués à court ou moyen terme.

Cette difficulté à imiter explique pourquoi beaucoup d’entreprises, bien que n’étant pas des entreprises dites de services, tentent de se différencier par les services associés à la vente de leurs produits. Ainsi des services considérés tout d’abord comme annexes peuvent devenir des vecteurs de différenciation. Et lorsqu’une entreprise fait évoluer son offre de services de manière à résoudre les problèmes de ses clients dans leur globalité, elle devient un partenaire de long terme, peu susceptible d’être mis en concurrence de manière récurrente.

5- Différenciation par recomposition de l’offre

Les stratégies fondées sur une recomposition de l’offre s’appuient sur une remise en cause des caractéristiques de l’offre de référence. Il existe, en théorie  un très grand nombre de possibilités de s’écarter de l’offre de référence. Pour tenter de classer ces positionnements très variés.

On peut ainsi  définir quatre grandes catégories.

– L’amélioration

L’amélioration correspond à une redéfinition de l’offre, perçue et valorisée par une large majorité du marché. À prix équivalent, l’offre ainsi  améliorée  est largement préférée à l’offre de référence.

– La spécialisation

La spécialisation conduit l’entreprise à produire une offre destinée à un segment de clientèle particulier, identifié a priori et qui est susceptible de valoriser le caractère spécifique donné à l’offre. Il s’agit d’une différenciation dont l’effet n’a de sens que pour le segment de marché pour lequel l’offre a été conçue. L’offre spécialisée est donc conçue pour répondre à un besoin spécifique du segment de marché considéré, besoin mal satisfait par l’offre de référence. Les offres adaptées à une catégorie particulière d’utilisateurs (gauchers, handicapés, personnes de très grande ou de très petite taille,très corpulentes, etc.) sont caractéristiques des offres spécialisées.

– L’épuration

L’épuration est une stratégie low cost qui consiste à dégrader l’offre produite par rapport à l’offre de référence. Grâce à ses coûts plus bas, l’offre épurée peut être proposée à un prix inférieur. Comme pour les offres améliorées, les offres  épurées  sont perçues par le marché comme inférieures à l’offre de référence, le prix moindre étant la principale motivation d’achat. Les offres des compagnies aériennes low cost sont des offres épurées dans le domaine du transport aérien.

– La limitation

La limitation de l’offre correspond également à un positionnement low cost, mais conduit l’entreprise à cibler son offre sur un segment particulier du marché pour lequel certaines des caractéristiques de l’offre de référence sont superflues. La suppression de ces caractéristiques n’entraîne aucune dégradation de la valeur perçue par le segment de marché auquel elle est destinée.

Dans le cas de l’amélioration ou de l’épuration, le caractère spécifique de l’offre concerne l’ensemble du marché. Ces stratégies, lorsqu’elles réussissent, ont pour effet de déplacer une partie de la demande existante ou même de générer une demande nouvelle. En revanche, dans le cas de la spécialisation et de la limitation, l’offre conçue par l’entreprise vise un segment du marché identifié à priori.

Sur quels critères peut-on recomposer une offre ?

  • Construire la chaîne de valeur

 L’avantage concurrentiel d’une entreprise provient de sa capacité à agencer la chaîne de valeur mieux que ne le fassent ses concurrents.On peut ainsi examiner la possibilité d’accroître la valeur perçue par les clients pour un surcroît de coût acceptable ou bien de diminuer sensiblement le coût sans trop affecter la willingness to pay.

Il est donc crucial de savoir combiner toute un ensemble de facteurs de différenciation et d’avoir une vue élargie de l’offre. La différenciation résultera de l’action simultanée sur plusieurs unités de la chaîne de valeur : qualité des composants et des matières premières, performance de l’outil de production, fonctions de support, systèmes d’information  mais aussi d’éléments comme la motivation des employés ou la culture de l’entreprise. La différenciation repose ainsi sur l’architecture de la chaîne de valeur dans son ensemble.

  • Analyser la chaîne de valeur

La recomposition de l’offre s’effectue à partir d’une analyse de la chaîne de valeur. Cette notion, introduite par Michael Porter , permet d’identifier les activités élémentaires concourant à la production d’un bien ou d’un service, de mesurer leur coût, et surtout d’examiner la contribution de chacune de ces activités élémentaires à la valeur perçue par les clients. L’entreprise peut recomposer son offre en différenciant le produit lui-même, que ce soit par sa qualité, ses performances, sa fiabilité, son design… Différents stades de la chaîne de valeur sont donc mobilisés.

On peut ainsi agir sur l’aspect physique d’un produit (taille, design, couleur, matériaux utilisés…) ou sur la distribution de celui-ci.En ce sens, la différenciation ne peut négliger les fonctions avales de la chaîne de valeur (marketing, distribution…). Mais afin qu’elle ne soit pas facilement copiable par les concurrents, il est préférable de fonder la différenciation sur une multitude de composantes de la chaîne de valeur et plus particulièrement celles reposant sur des compétences dont ne disposent pas les concurrents.

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  Conditions de réussite d’une recomposition

Pour être réussie,  toute recomposition de l’offre doit satisfaire trois conditions :

1- Avoir un effet significatif pour le client .2- Etre économiquement viable pour l’entreprise. 3- Etre défendable face aux concurrents.

1- Un effet significatif

Lorsqu’une entreprise recompose son offre pour se distinguer des normes en vigueur du secteur, elle doit s’assurer que l’effet induit sera clairement perceptible par les clients.

Dans le cas d’une stratégie low cost, il est impératif que l’écart de prix proposé soit suffisant pour que de nombreux clients y soient sensibles. Sur des produits de faible valeur unitaire, une telle perception sera souvent difficile à créer, surtout si le produit en question ne donne pas lieu à des achats répétés et fréquents. Sur des produits perçus comme chers par les clients, un écart même relativement faible en pourcentage aura un effet beaucoup plus significatif.

De la même façon, dans le cas d’une différenciation  par le haut, la différenciation créée doit être nettement perceptible par l’acheteur. Si les clients ne perçoivent pas le surcroît de valeur de l’offre, ils refuseront de payer un prix supérieur à celui de l’offre de référence.

L’entreprise, focalisée sur ses compétences techniques, cherche à améliorer le produit mais oublie le marché. Or ce qui compte, c’est d’abord la valeur perçue et reconnue par le marché. Ainsi certains produits techniques destinés au grand public offrent parfois des fonctionnalités supplémentaires mais coûteuses pour l’entreprise et non perçues, ou bien perçues comme inutiles pour les clients. Se différencier significativement implique par ailleurs que l’offre de référence soit bien identifiée. Or il est parfois difficile de repérer le  cœur du marché  et le client standard .

Opter pour la différenciation implique donc de créer un écart significatif pour le client entre l’offre existante et l’offre différenciée. Mais tous les domaines d’activité n’offrent pas les mêmes possibilités de créer des offres différenciées. Parfois, la différenciation, même par le service, est impossible : il faut alors se rabattre sur une stratégie de coût et de volume.

2- Recomposition  économiquement rentable

Si l’entreprise cherche à créer une offre significativement différente de ce qui existe sur le marché, elle doit aussi être attentive à ce que cette stratégie soit rentable. Pour cela, le surcoût entraîné par la différenciation ne doit pas être trop important et le segment de marché visé par la nouvelle offre doit être suffisamment large pour que l’entreprise parvienne à amortir les coûts de différenciation.

3-Recomposition  défendable face aux concurrents

Une recomposition de l’offre ne parvient à la création d’un véritable avantage concurrentiel que si l’offre recomposée est difficilement imitable par les concurrents. Cette protection de la différenciation contre la concurrence peut reposer sur une compétence exclusive, interne à l’entreprise. Sur un brevet dont elle se réserve l’usage et qui constitue une barrière à l’imitation, ou sur une architecture complexe de la chaîne de valeur.

Parfois la force de la recomposition de l’offre dépend aussi de la capacité à maîtriser son environnement et à nouer des partenariats avec des entreprises qui vont permettre d’accroître la valeur pour le client. La recomposition de l’offre est donc d’autant plus difficile à imiter qu’elle repose sur une combinaison complexe de multiples critères. Elle repose alors sur toute l’architecture de la chaîne de valeur ainsi que sur les services adjoints.

Mais l’entreprise doit aussi savoir maintenir la spécificité de son offre dans le temps, la préserver ou la faire évoluer. La recomposition de l’offre doit donc non seulement être pertinente mais elle doit aussi savoir répondre aux changements du marché, aux ripostes des concurrents ainsi qu’à l’amélioration inévitable de l’offre de référence. Il importe aussi de savoir faire évoluer la différenciation sans la trahir ou la banaliser.

Le succès d’une stratégie de recomposition de l’offre constitue parfois  un danger pour la position stratégique de l’entreprise. A cette effet elle doit veiller à ne pas trahir l’image de la marque, à ne pas trop privilégier une croissance qui dégraderait à long terme cette image ; ce risque est aussi valable, d’une certaine façon, pour les stratégies low cost.

Il est donc crucial pour l’entreprise de savoir faire des choix stratégiques assez clairs et d’éviter de proposer une offre indifférenciée qui ne générera pas une willingness to pay (volonté de payer) suffisante sans pour autant profiter d’un avantage de coût.

Auteur : bazid

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